Soupe aux poireaux

Le texte a été publié dans la revue La Grenouille à grande bouche n°1 mars-avril 2019


C’est l’hiver. L’hiver il fait froid alors c’est la période des soupes. Comme j’aime bien la soupe et que j’ai un peu froid le soir, j’ai aujourd’hui décidé d’attaquer les restes de poireaux de mon réfrigérateur pour faire un velouté poireaux pommes de terre, ce qui en soi n’a rien d’original. Nous sommes le 24 janvier et faire une soupe n’a rien d’original.

Pendant que j’attaquais au couteau le pauvre légume innocent, mon cerveau faisait déjà office de marmite politique. De l’autre côté de l’Atlantique, un bougre richissime bien que pauvre en cheveux commençait déjà à s’attaquer au droit à l’avortement, tout en virant du même coup l’opération climat du site de la maison blanche. Du côté de l’Atlantique où je suis, c’est un peu la fête à l’oignon, surtout pour les larmes, avec des délations sauce Vichy sans les carottes, de la destruction de cuisine autogérée dans une cité universitaire jusqu’aux tentatives d’expulsions à Bure. Au tour du pelage de pommes de terre. Elles sont terreuses, je m’en fous plein les mains, mais je dois en avoir moins plein les mains que les politiques qui nous préparent les présidentielles. En 2017 fais une soupe ou fais la tête. 2017 c’est la soupe à l’aneth ? La soupe sans arête ? Je cherche un slogan culino-politique qui ne vient pas avant de jeter les légumes dans l’eau bouillante. Les morceaux végétaux restent silencieux avant leur ramollissement dans l’eau pré-salée. J’ai bien peur que le reste des légumes restent ramollis face à la soupe médiatique qu’on nous servira jusqu’au printemps.

L’autre jour j’ai appris qu’il ne restait plus que 25 ou 50 ans tout au plus pour la survie des singes à la surface du globe terrestre. Là dans mon cerveau ça a surtout commencé à devenir du céleri rémoulade avec rétropédalage en triple nœud. J’ai tenté de baisser le feu pour ralentir la cuisson de ma soupe poireaux pomme vichy, pour avoir le temps de réfléchir à la meilleure option possible pour survivre ces prochaines années à :

  1. Une dictature politique qui accompagnerait la dictature économique déjà en cours et qui réduirait considérablement mon volume de poireaux dans la soupe
  2. Une pénurie d’énergie car on va fermer Fessenheim et que ça a peut être un lien avec mes plaques électriques du coup je ne pourrais plus faire chauffer la soupe
  3. Une pénurie d’eau qui couperait la possibilité de soupe tout court parce que je ne sais pas faire une soupe sans eau

J’en ai pas trouvé, du coup j’ai mouliné rageusement ma soupe en maugréant qu’on était dirigé par des abrutis qui devaient sûrement même pas savoir cuisiner un velouté poireaux pomme de terre.

C’est l’hiver. Il fait froid. Ma soupe était bonne. Mon chat m’a dit que la solution était dedans.